Traité expérimental et clinique de la régénération des os et de la production artificielle du tissu osseux / par L. Ollier ; avec 9 planches gravées sur cuivre et 45 figures intercaleés dans le texte.

  • Ollier, Louis, 1830-1900.
Date:
1867
    l'abri de la récidive; mais, si les procédés dans lesquels on y voit clair laissent subsister des racines du polype, quels repro- ches ne méritent pas les procédés dans lesquels on ne voit pas ce qu'on fait. 5° Des opérations analogues proposées ou mises en pratique par di\crs chirurgiens. Parmi les chirurgiens qui ont préconisé la voie nasale, nous devons d'abord citer Chassaignac (1); mais son procédé diffère du nôtre par plusieurs points essentiels. Le nez est détaché latéralement à gauche et déjeté sur la joue à droite; on le fait pivoter sur le côté par lequel il se continue avec la joue. C'est comme une porte qu'on fait jouer sur ses gonds. Avec la peau sont détachées les parties cartilagineuses du nez, mais (et c'est en cela que ce procédé diffère radicalement du nôtre) les os propres du nez sont sacrifiés. Chassaignac les détache et les enlève complètement; il fait remarquer cepen- dant que son procédé n'évitera complètement la difformité ultérieure du nez qu'autant que l'on comprendra les os dans le lambeau cutané. 11 ne paraît pas, du reste, l'avoir pratiqué sur le vivant, car, à la Société de chirurgie, clans la séance du 5 juin 1866, il considérait le détachement de l'auvent car- tilagineux comme suffisant pour l'ablation des polypes les plus volumineux. . Bœckel (2) a récemment proposé un procédé semblable à celui de Chassaignac ; il indique seulement d'une manière for- melle de conserver les os dans le lambeau. Le procédé qui se rapproche le plus du nôtre, bien qu'il s'exé- cute en sens inverse, est celui que Lawrence (3) a appliqué (1) Traité des opérations chirurgicales, t. II, p. M8. (2) Traduction du Traité des résections d'Heyfelder, p. 293. (3) Médical Times, 1862, et Bœckel. loc. cit.
    à l'extirpation d'une masse de polypes muqueux remplissant les fosses nasales. Ce chirurgien, au lieu de détacher le nez de haut en bas, pour le renverser sur la lèvre, comme nous le faisons, détache cet organe de bas en haut et le soulève contre le front. Outre que ce procédé est moins facile à exécuter, il a l'inconvénient de laisser au nez un pédicule moins vasculaire que le triple pilier inférieur. Lawrence a sectionné les apophyses montantes avec des cisailles; cette manière de couper les os est ici bien moins avantageuse que la division par la scie à lame étroite, qui fait une section nette, linéaire et sans perte de substance. Sédillot (1) a reproché à notre procédé d'aborder les fosses nasales par le point le plus étroit ; mais nous ferons remarquer qu'on a tout le jour que procurerait le procédé perfectionné de Chassaignac. Non-seulement nous ouvrons les fosses nasales par leur partie supérieure, mais nous avons, pour passer les doigts et retirer le polype, la plus grande surface que peut donner l'ouverture antérieure. Langenbeck avait relevé contre le front un des os propres du nez, tenant à l'os frontal par son périoste; c'est là un procédé imparfait, bien qu'intéressant au point de vue physiologique, en ce qu'il est une preuve de l'importance du périoste dans la greffe osseuse. Il est inférieur aux autres procédés que nous venons d'indiquer; car on doit rechercher autant que possible des lambeaux cutanéo-périostiques. Indépendamment de ce procédé, Langenbeck pratique, dans certains cas, pour les polypes profonds, la section transversale du maxillaire supérieur, dont il relève en haut la moitié supé- rieure. Huguier fait aussi une section transversale, mais c'est la moitié inférieure de l'os qu'il mobilise. Quant à Jules Roux,
    il détache la totalité du maxillaire et l'os malaire, et relève le tout en haut (1). On peut, selon les cas, modifier ces procédés de différentes manières; mais, Comme nous n'avons pas trouvé l'occasion de les appliquer, nous croyons inutile de décrire ici les résultats de nos essais sur le cadavre. Nous n'avons, du reste, pour but, dans ce chapitre, que de démontrer-le procédé auquel nous donnons la préférence. C'est pour cela que nous glissons sur les procédés si remar- quables, d'ailleurs, qui appartiennent à d'autres chirurgiens. La comparaison de ces diverses opérations nécessiterait de trop grands développements (2). § II. — Des amputations à lambeau pérîostique. En 1859 (3), reprenant une ancienne idée de Brunninghau- sen, nous avons proposé de recouvrir, dans les amputations, le bout de l'os d'un lambeau de périoste. Notre but était de pré- venir la nécrose du rebord osseux, et de diminuer les chances d'inflammation auxquelles la moelle est exposée. Nous nous fon- dions sur un fait physiologique que nous avons eu plusieurs (1) Voy. Bœckel, loc. cit., pour ces diverses opérations. (l2) Nous n'examinons pas ici la nécessité d'une opération préliminaire pour la destruction des polypes naso-pharyngiens. C'est là un point que les discussions de la Société de chirurgie, dans ces dernières années, et en par- ticulier les recherches de Verneuil, nous paraissent avoir mis hors de doute. Il faut, avant toute chose, voir ce qu'on fait et savoir ce qu'il faut enlever. Il n'y a que de petits polypes pédicules qui puissent être extraits avec sécurité par les voies naturelles. L'électrolyse seule, en faveur de laquelle Nélaton a publié plusieurs succès, serait préférable aux procédés sanglants avec opération préliminaire ; mais nous manquons d'expérience personnelle sur ce point. (3) Journal de la physiologie de Brown-Séquard, janvier et avril 1859, p. 186. m — 63
    fois déjà l'occasion de rappeler : la propriété toute spéciale qu'a le périoste de se réunir au tissu osseux dénudé. Quelques expériences faites sur les lapins nous avaient paru favorables à cette idée; le lambeau de périoste se réappliquait, et la réunion avec l'os se faisait très-promptement. Le résultat final était un léger renflement autour du bout de l'os. Mais comme, d'autre part, la réunion immédiate de tous les lam- beaux d'amputation s'obtient sur cette espèce d'animaux, ces expériences n'étaient pas par elles-mêmes très-concluantes. Nous avions observé, cependant, deux particularités au point de vue de la dissection et de l'affrontement du lambeau. La grande rétractilité du périoste nous obligeait à tailler des lambeaux très-étendus, si nous voulions recouvrir l'os. 11 fallait en outre le fixer par un point de suture au rebord opposé de la gaine périostique. Lorsque nous négligions ces précautions, le périoste se ramassait en bourrelet circulaire, s'il avait été dis- séqué en manchette, ou bien formait une languette flottante, lorsqu'il avait été taillé en lambeau unilatéral. Follin fut le premier chirurgien qui mit cette idée à exécu- tion sur l'homme. En 1859, il y eut recours à l'hôpital Necker, clans une amputation de l'avant-bras ; mais son opéré mourut d'infection purulente, et à l'autopsie on trouva le périoste détaché du bout de l'os. Verneuil l'appliqua également sur plusieurs de ses opérés. À Lyon, Desgranges fit aussi quel- ques amputations à lambeau périostique (1). Peu de temps après, Heyfelder (2) et Symvoulidès (3), à Saint-Pétersbourg, publièrent chacun une série d'opérations dans lesquelles ils avaient reconnu l'utilité de cette pratique, pour favoriser la réunion immédiate et diminuer la période de suppuration. (1) Quel progrès la chirurgie doit-elle au périoste? Lyon, 1864. (2) Gaz. médic. de Paris, 1861, p. 513. (3) lbid., p. 761.
    Il nous paraît difficile de porter un jugement sur ce procédé, d'après les quelques faits publiés. Quant à nous, nous en avons considérablement réduit l'application, d'après des vues théo- riques, il est vrai, plutôt que d'après les résultats cliniques. Le danger des amputations provient surtout, dans les hôpi- taux, de l'air ambiant et des influences épidémiques qui y régnent. Nous ne pouvons, d'autre part, avoir l'espérance de modifier ces conditions générales et de neutraliser leur influence par un simple détail opératoire. L'avantage que peut avoir, à ce point de vue, le lambeau périostique, c'est de diminuer le temps pendant lequel la plaie est exposée aux diverses compli- cations, par cela seul qu'il hâte la cicatrisation. La réunion immédiate échoue dans les grands hôpitaux, parce que les processus cicatriciels ne peuvent s'effectuer régu- lièrement. La suppuration survient alors, dans les tissus divisés, à la suite des plaies larges et profondes; elle envahit le lam- beau périostique aussi bien que les tissus musculaires et cuta- nés. Si le tissu du périoste s'est momentanément recollé à l'os, il perd ses adhérences, se rétracte, et n'est d'aucune utilité. Dans les cas où la réunion immédiate peut être cherchée avec plus de chance d'être obtenue, l'utilité du lambeau périos- tique devient plus grande; mais alors cette utilité est com- pensée par un inconvénient. Si le lambeau se greffe à l'os, il augmente à ce niveau la production de substance osseuse; il donne lieu alors à des ostéophytes plus ou moins saillants qui pourront piquer les chairs et augmenter la sensibilité du moi- gnon. Nous avons été témoin d'un cas de ce genre, et depuis lors nous avons à peu près renoncé à ce procédé pour la plupart des amputations. Nous le réservons spécialement pour le tibia, et ici nous avons pu nous convaincre de son utilité réelle. Après les amputations au lieu d'élection, la perforation de la peau est fréquente au