Les arts et les industries du papier en France, 1871-1894 / par Marius Vachon.
- Marius Vachon
- Date:
- [1894]
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Credit: Les arts et les industries du papier en France, 1871-1894 / par Marius Vachon. Source: Wellcome Collection.
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![de caniveau, où fonctionne une pompe aspirante. L'agglutination des fibres de la cellu- lose, qui à ce moment ne contient pas moins de trois quarts d'eau, devient, sous cette aspiration, instantanément si ra])ide et si énergique qu'en quittant sur ce point la toile métallique, la pâte forme une feuille qui peut gagner sans support la batterie des presses humides. Elle est bien ténue; l'attouchement le plus léger, un souffle peut-être, la rom- prait, et l'on ne se défend pas d'une certaine anxiété, en la voyant s'engager sous le premier rouleau, dont la puissance de pression dépasse 20000 kilogrammes. Mais elle est déjà sortie, pour glisser sous un deuxième, et, de là, entre une nouvelle batterie de presses coucheuses : le papier est fait! Il s'est écoulé, du moment où la pâte est sortie torrentueusement du réservoir d'alimentation, jusqu'à celui où la seconde opération, le séchage, va commencer, une demi-minute! Le papier est tout humide; il recèle encore près d'un tiers d'eau. Une série de vingt-deux cylindres chauffés à la vapeur à une température graduelle, autour desquels, sur des feutres sans fin, s'enroule la feuille, le séchera en moins d'un quart de minute, jusqu'à son passage dans une calandre, où-il recevra un lissage perfectionné, et à son eml^obinage définitif, après avoir été coupé mécaniquement à la dimension réclamée par le client. L'opération générale de la fabri- cation du papier a duré moins d'une minute! line machine de ce type, la plus belle qui ait été montée jusqu'à ce jour en France, produit en vingt-quatre heures 12000 kilo- grammes de papier. Tout cet outillage prodigieux, qui compte plus de mille organes variés, actionné par une force motrice de cinquante chevaux, fonctionne |)aisiblement, avec la calme régularité d'une force inépuisable et consciente. Autour du colosse circule gravement, sans agitation ni inquiétude, un ouvrier à la figure intelligente, au regard fin et profond. De tem|)s en temps, il se penche sur la table de fabrication, ou sur un cylindre; examine le papier; serre un écrou; verse un peu d'huile lubrilîante sur un engrenage; hausse ou baisse un rouleau ; tàte du doigt un feutre sécheur ; vérifie le manomètre, et, cela fait, s'accoude contre un bâti, silencieux et méditatif : jjersonnification expressive et su])erbe du travail moderne, où l'intelligence active asservit et gouverne à son gré la force physique de la nature. De quelle puissance de l'esprit humain témoigne la création d'une pareille machine, à l'organisme si complexe et si sim|)lc à la fois dans la variété et l'unité de son action! De la jM'emière.jusqu'à la dernière opération, ni inter- ruption, ni arrêt, rien qui trahisse une hésitation ou une défaillance. Tout cela est d'une grandiose poésie. C'est la France qui a créé la machine à papier la plus f)erfeclionnèc; c'est à elleaussi que revient l'honneur de sa première conception. A la l'm du siècle dernier furent fails à Essonnes,chez François Didot, les essais de la fabrication mécaniciue du papier continu, dont l'idée était d'un employé de l'usine, nommé Robert. On en obtint un résultai satisfaisant; mais les événements politiques firent ajourner les expériences décisives. Dès que la paix d'Amiens eut renoué les relations entre la France et l'Angleterre, le fils de François Didot, convaincu de l'avenir de l'invention, alla chercher outre-Manche ce que la F'rance ne pouvait, à son avis, lui donner : des capitalistes, des mécaniciens et des fabricants audacieux. Il s'associa avec son beau-frère, John Gamble, et lous deux prirent, en 1801, un brevet anglais. Après une longue période de tâtonnements coûteux et pénibles dans la papeterie de Dartford, la fabrication mécanique du j^apier continu entra défi-](https://iiif.wellcomecollection.org/image/b20995490_0042.jp2/full/800%2C/0/default.jpg)