Histoire de la botanique et plan des familles naturelles des plantes.
- Adanson, Michel, 1727-1806.
- Date:
- 1864
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Credit: Histoire de la botanique et plan des familles naturelles des plantes. Source: Wellcome Collection.
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![ce nouveau Fraisier devait résoudre la question tant agitée sur les espèces, et que ce change ■ ment se perpétuant dans la postérité devait prendre le nom de race. De cette conclusion on a cru être en droit de changer les notions reçues par les botanistes les plus profonds, en appe- lant du nom de races tout ce que l’on a reconnu jusqu’ici pour être espèces dans les Fraisiers. Mais non-seulement ce Fraisier à une feuille ne forme pas une race puisqu’il n’est pas con- stant et qu’il varie dans la multiplication , mais même il ne fait pas non plus une variété; en examinant la structure de ses feuilles, on ei'it aperçu une sorte de confusion dans ses nervures qui y occasionne une crispation ; on eût enfin vu que ce n’était qu’une monstruosité; en portant les mêmes yeux botanistes sur la lleur, on eût vu de nouvelles preuves de la mon- struosité de cette plante, en reconnaissant que son calice et sa corolle ont plus de parties dans le Fraisier commun; que ses étamines, au contraire, en ont moins à proportion et qu’elles sont monstrueuses; ce n’est que le fruit qui est toujours cannelé ou rabougri et mal con- formé. .le ne parle pas ici des autres inductions qu’on a voulu tirer de ce fait, et qui tendent à faire reconnaître la transmutation des espèces sous le nom de races; on sent assez quelle différence il y a entre une espèce et une monstruosité; une espèce est comparable à une autre espèce, mais une monstruosité ne peut être comparée qu’à un individu de l’espèce. Celte réunion des trois lobes des feuilles de ce Fraisier monstrueux peut être absolument comparée aux monstres du cochon qui ont les deux doigts de la plupart de leurs pieds, ou do tous les pieds, réunis en un seul, à peu près comme ils le sont dans le sabotde l’àne ou du cheval. 152. —Le dernier fait que j’ai à citer m’appartient. Il regarde un changement que j’ai com- mencé à’opérer dans les expériences que je tente depuis l’année 1762 pour opérer la transmu- tation des espèces. Ce changement regarde l’espèce d’Orge qui quitte sa balle, que les Grecs ont nommée pour cette raison ■/\>y.-joxpiOr,v et qui est cultivée de tout temps dans diverses pro- vinces de la France sous le nom de Scuriên ou d’Orne nue; cette Orge a comme l’on sait l’é|)i en queue d’hirondelle, c’est-à-dire formée de deux rangs de graines, et l'on n’en a point encore vu à quatre rangs comme l’Orge pennée, quoiqu’on m’en ait envoyé sous ce nom, erreur que j’ai reconnue par ma propre expérience. En semant depuis sept ans tous les mois ce grain qui est le plus haut de tous ceux de ce pays , en le semant, dis-je, avec un grand nombre d’au- tres espèces de Froment de tous les climats, j’aperçus un léger changement dans le haut de son épi, qui commençait à devenir carré. Je cueillis et semai avec précaution les grains de ce bout d’épi carré, et j’eus la satisfaction de recueillir nombre d’autres épis semblables. En conti- nuant ainsi cette expérience, je suis parvenu a avoir des épis carrés en plus grand nombre, c’est-à-dire environ un sur cent épis simples, et qui deviennent carrés de plus en plus tous les ans. A voir celte plante elle ne paraît nullement vicieuse, mais examinée de près, on voit que quelques-unes de ses fleurs ont ou une balle ou deux arêtes, ou deux balles chacune avec une arête, ou trois balles à arêtes, ou deux fleurs dans le même calice, ou deux ovaires dans une même corolle, ou enfin deux ovaires ou deux grains réunis seulement; de manière qu’il y a deux gousses pour chaque grain ou masse farineuse. On n’a peut-être jamais tant vu de monstruosités sur une même plante, et elles sont toutes comme l’on voit par excès. On pourrait les comparer à ces monstruosités de certains animaux qui ont en même temps six ou huit pieds et quatre à huit cornes, comme on en voit très-communément au Sénégal, et comme on a vu il n’y a pas longtemps ici des bœufs et des moutons. 153. —La plante qui, en apparence, mérite le plus le nom d’espèce nouvelle et qui cepen- dant n’est point citée par les fauteurs de l’opinion de la transmutation des espèces, c’est sans doute le froment, appelé blé de miracle, que Vaillant cite comme une espèce, et dontM. Lin- næus ne fait pas la moindre mention dans son Species de 1753 (comme il fait pour toutes les plantes qui l’embarrassent) ; mais cette plante n’est encore qu’une monstruosité par excès; et quoique plus constante dans sa multiplication que toutes celles qu’on a vues jusqu’ici, des expériences très-précises m’ont appris qu’elle rentre souvent dans son espèce originaire , et qu’au milieu de ses épis rameux on en voit souvent un sur cinquante qui sont simples et bien régulièrement conformés. Tels sont les faits les plus remarquables sur lesquels on s’est appuyé, ou qu’on a crus les plus propres pour favoriser l’opinion du changement des espèces, et je conviens que j’aurais resté longtemps dans cette opinion si je n’avais eu lieu de vérifier par moi-même et d’appré- cier les faits avec toutes les précautions et toute l’attention nécessaires.] I. I 1](https://iiif.wellcomecollection.org/image/b24863890_0101.jp2/full/800%2C/0/default.jpg)