Histoire de la botanique et plan des familles naturelles des plantes.
- Adanson, Michel, 1727-1806.
- Date:
- 1864
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Credit: Histoire de la botanique et plan des familles naturelles des plantes. Source: Wellcome Collection.
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![154. —Il n’est pas douteux qu’en variant les expériences de fécondation on aura des varia- tions dans les individus, mais non pas des changements d’espèces, et ces exemples de change- ments opérés par la fécondation étrangère se multiplieront sans doute, à mesure qu’on sera plus attentif à les observer, ou qu’on voudra se les procurer, en fécondant une plante femelle par une mâle d’espèce différente, par exemple le Chanvre par le Houblon, l’Ortie par le Mû- rier, le Saule par le Peuplier, le Ricin par le Tithymale, pour savoir ce qui proviendrait de ces mélanges. L’observation et l’expérience peuvent seules nous instruire là-dessus. 155. — Il n’est personne qui ignore qu’en coupant toutes les étamines d’une Tulipe rouge avant l’émission de leur poussière, et qu’en poudrant le stigmate de cette même plante avec les étamines d’une autre Tulipe blanche , les graines de cette Tulipe rouge produisent des Tulipes dont les unes sont rouges, les autres blanches, d’autres blanches et rouges, de même que deux animaux de même espèce transmettent leurs couleurs différentes aux animaux qu’ils engendrent. 156. — [Il y a bien des expériences à faire pour constater ce qui est variété ou espèce dans nombre de fleurs. Je me suis occcupé jusqu’ici et je m’occupe encore plus particulièrement des plantes utiles telles que les blés et les plantes potagères; et quoique Morison ait cru prouver par nombre d’exemples que toutes les variétés de Chou étant semées, dégénèrent les unes dans les autres en passant successivement par divers états, je me suis assuré que le Chou-fleur que je sème depuis plusieurs années de graines que je recueille ne devient pas Chou pommé, et que le Chou pommé ne devient pas Chou-fleur, quoique l’un et l’autre soient sujets à dégénérer ; ce sont notamment des espèces bien distinctes par la figure de leurs feuilles; je n’assurerai pas la même chose des Choux pommés : ils paraissent sujets à changer et à donner des vai iétés plus ou moins frisées, plus ou moins aplaties ou allongées, plus ou moins vertes ou rouges. Le Chou vert découpé fait pareillement une troisième espèce , qui ne donne jamais que du Chou dé- coupé, mais qui varie beaucoup et dans les découpures des feuilles, et dans les couleurs qui en font une plante d’ornement. 157. —M. Duhamel est le seul, que je sache, qui ait commencé des expériences {Mémoires de l’Académie ) pour s’assurer si les pépins de la Pomme d’api par exemple étant semés donnent constamment des Pommes d’api, ou s’ils donnent indifféremment des Pommes de reinette, d’api, de fenouillet, etc.; mais la longueur du temps qu’il faut attendre pour voir le succès de ces expériences, et l’assiduité qu’elles exigent, l’ont empêché de pouvoir rien décider sur ce sujet, et personne depuis lui n’a tenté de suivre cette expérience, qui serait très-instructive ; en attendant je crois qu’on peut soupçonner avec assez de fondement que les pépins de l’api étant semés, ne donneront que des Apis ou des variétés d’api, et non pas des Reinettes ou des Fenouillets, et que ces sortes de Pommiers ou Poiriers qu’on ne multiplie guère que par la greffe , sont de vraies espèces, comme cela paraît indiqué par les différences qu’on remarque non-seulement dans le fruit de ces arbres , mais encore dans leur bols, dans leurs feuilles, dans leurs fleurs et dans le temps de leur feuillaison , floraison et maturité , enfin dans toutes leurs parties.] 158. —Mais indépendamment de ces variations opérées artificiellement par la fécondation de deux individus différents quoique de même espèce, la nature nous indique d’autres moyens d’opérer ces mutations dans les plantes qui se reproduisent de graines soit par la culture, le terrain, le climat, la sécheresse, l’humidité, l’ombre, le soleil, etc. Ces changements sont plus ou moins prompts, plus ou moins durables, disparaissant à chaque génération, ou se perpé- tuant pendant plusieurs générations, selon le nombre, la force, la durée des causes qui se réuniront pour les former, et selon la nature, la disposition et les mœurs, pour ainsi dire, de chaque plante; car il est de remarque que telle famille de plantes ne varie que par les racines, telle autre par les feuilles, d’autres par la grandeur, le velouté, la couleur, pendant que d’autres changeront plus facilement par leurs fleurs et leurs fruits. Nous pourrions citer beaucoup d’autres exemples que nous supprimons pour abréger. On sait jusqu’où peuvent aller ces changements, par la culture, dans les plantes potagères et les Froments; telles plantes transportées dans les jardins ou d’un climat à l’autre, sont si différentes des sylvestres, que le botaniste le plus exercé a peine à les reconnaître ; c’est ainsi que le Tabac et le Ricin, qui forment des arbrisseaux vivaces en Afrique, ne sont qu’herbacés et annuels en Europe : il en est de même de beaucoup d’autres.](https://iiif.wellcomecollection.org/image/b24863890_0102.jp2/full/800%2C/0/default.jpg)