Volume 1
Dictionnaire royal, françois-anglois et anglois-françois / [Abel Boyer].
- Abel Boyer
- Date:
- 1752
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Credit: Dictionnaire royal, françois-anglois et anglois-françois / [Abel Boyer]. Source: Wellcome Collection.
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![me au (Tl dans la rfjettion des mauvais ; car il faut con¬ venir de bonne foi qu’il y en a de l’une 6c de l’autre forte :■ la Nature même nous indique les plus forts. A. „ Je vous entend; vous conje&urez que dans quelques fiécles, des Grammairiens barbares, n’ayant „ d’autre guide que la Prononciation de leur tems, „ pourraient bien nous donner, comme certaine, une „ profodie auffi abfurde de la langue Françoife , que „ celle qui nous refte aujourd’hui des Grecs 6c qui a „ paffédes MSS. jufques dans nos imprimés; 6c voi- „ là pourquoi vous ne rejettez pas abfolument l’idée qui „ m’eft venue dans l’efprit, de la néceffité à.e fixer \z. j, nôtre dès àpréfent, de peur de pis. B. La chofe eft d’autant plus facile, que nous fom- mes encore dans le bon tems, que F Academie Françoise eft dans fon luftre, qu’elle a des Mem¬ bres très éclairés 6c pleins de zele pour la correction 6c pour lanobleflède leur langue. Et il ne faut pasm’ob- jeCter, que comme les bons Poètes du fiécle d’Augufi te nous ont conièrvé la vraye proiodie des Latins, les poëiies immortelies du fiécle de Louis le Grand nous conferveront aufti dans tous les âges la vraye profodie Françoife : le rayonnement ferait bon, fi les vers La¬ tins 6c les vers François avoient entr’eux le même rap¬ port, qu’ont effectivement les vers Latins avec les vers Grecs. Les nôtres font compofés d’un certain nombre de fyllabes que l’on compte,mais que l’on ne pefepas; au lieu que ceux des Grecs 6c des Latins confident en un certain nombre de pieds tous différents, dont on pefe les fyllabes plutôt qu’on ne les compte: ce qui eft proprement le fonds 6c l’effencede leur verification; en- forte que tout Homme de lettres, paffablement inftruit de leur profodie , peut fcander leurs différents vers : Mais en François vous rn’excuferez ; vous compterez les fyllabes ; mais dès qu’il fera queftion de les pefer & de les accentuer à la rigueur , je doute qu’il y ait beaucoup d’Etrangers 6c même de Provinciaux qui y réufliflènt. Si la chofe étoit fi facile, vous qui aimez notre langue 6c qui l’entendez fi bien, vous ne m’auriez pas fait tant de queftions fur l’article de la Profodie. A. ,, Je me félicite de vous avoir jetté dans cette 5, difgreffion. Mais ayez la bonté de m’expliquer en- 5, core plus nettement ce que vous appelez compter 6c 53 Pefer en fait de poëfie. B. Rien au monde de plus aifé. Si je vous remets en¬ tre les mains la valeur de 6. Liv. Sterling , en quelles efpéces que ce foit, je puis nommer cela une valeur pefiée, fixe 6c réglée ; mais au lieu de cette valeur, je me contente de vous remettre entre les mains fix pièces d’or ou d’argent, fans faire attention à leur poids, c’eft ce que j’appelle compter ; or il peut arriver que ces piéces- là, quoiqu’au nombre de fix, fe trouveront fortau-def- fous de la valeur précédente des fix Liv. Sterling. Voi¬ là une image de la Poëfie ancienne comparée avec la nôtre. La Poëfie Latine, que je nediftingue pas ici de laGreque, eft une valeur fixe, régulière, uniforme, tou¬ jours la même Prenons par exemple les vers Alexan¬ drins. Ils contiennent la valeur de 6 Spondées : Le der¬ nier en eft un de commande; le précédent un Daily le, qui étant compofé d’une longue 6c de deux brèves eft de même valeur; & les quatre premiers peuvent être indiftinCtement ou Spondées ou DaCtyles ; ce qui pour FRANÇOISE. if le dire en pafifant, eft une fource de combinaifions diffé¬ rentes & par confequent de variété 6c de beauté prel- que infinie : mais enfin la valeur intrinfeque y eft tou¬ jours; c’eft ce que j’appelle pefer. En François votre ferviteur ; on vous promet 6 pieds, je l’avoue , 6c en un fens on vous les donne, vous n’avez qu’à les comp¬ ter, le nombre y eft; mais le poids n’y eft pas, 6c par conféquent la valeur y manque. Si vous y mettez un Daïïyle, par exemple, vous le faites valoir trois fylla¬ bes, c’eft-à-dire, un pié 6c demi. Un ïambe, qui ne vaut qu’une breve 6c une longue, vous l’y faites valoir pour un Spondée ; tous nos articles féminins 6c maf- culins, le, ce, de, ne, fie, la, ma, na, fia, ta , y va¬ lent chacun une longue, c’eft-à-dire, la moitié d’un Spondée : ainfi nulle valeur complette, régulière,uni¬ forme; le plus beau vers a toujours quelque endroit foi¬ ble, 6c le fécond bien louvent trahit le premier : Je ne dis rien de la Rime , de peur de vous rappeller le Fafiidire du Commentateur d’Ariftophane. Comment voulez-vous donc qu’un Etranger feande des vers qui n’ont aucun poids certain , aucune régularité ? A. „ Quelques exemples pourraient achever de me ,, convaincre. B. Des exemples ; il n’y a qu’à ouvrir le premier poète François, qui fe préfemera fous vos yeux: voi¬ ci un Boileau -, je tombe fur la Satire IX. qui commen¬ ce ainfi ; Ce fil à vous, mon Efiprit, à qui je veux parler j Vous avez des défiants que Von ne peut celer ; a qui je , font 3 Syllabes breves, qui ne fauroient va¬ loir un Dattyle, ni un Spondée, 6c cependant on vous les donne pour un pié 6cdemi, parce qu’on les comp¬ te 6c qu’on ne les pefe pas; où eft l’évaluation? Mais le fécond vers eft encore plus foible ; qjj e ne ce 1er font trois autres breves, qui ne valent pas un pié réel, 6c qu’on vous donne pourtant pour un pié 6c demi. Mais ce qu’il y a de plus fingulier dans cette poëfie, c’eft que le dernier pié au moins devroit foutenir le ref¬ te ; car il eft établi dans Homere, dans Virgile 6c dans Horace, ajoutons même dans nos Poètes François pres¬ que généralement, que le dernier pié des Alexandrins foit une efpéce de Spondée, qui foutienne la cadence, 6c à cet égard il faut rendre cette juftice à Boileau, qu’il a été affez attentif à nous donner des vers bien rejnplis; comme il les nomme lui-même ; 6c cependant en voi¬ ci un qui finit par un ïambe, c’eft-à-dire une courte6c une longue: car [celer] eft bref dans la premiere, 6c la fuivante n’eft longue que comme finale. Je ne dis pas que ce foit une faute dans le Poète, il s’eft fervi d’une liberté que lui donnoit la Poëfie de fa langue ; utere con- ccfifiis : mais je fuis fort trompé fi ce n’eft pas un dé¬ faut , ou du moins une imperfection dans la poëfie de fon fiécle. Racine de même dans Bérénice, ACt. 1. Sc. 4. Enfin apres un fiége aufiji cruel que lent, él [que] lent, qui finit le vers, fait un vrai Daily le j qui ne vaut qu’un pié, 6c icionvouslc donne pour un pié 6c demi, fans aucun fpondée. A la bonne heure, 11 c’étoit un plurier, on y trouverait quelque efpéce de dédommagement. Encore une fois, je n’en veux point ' A à](https://iiif.wellcomecollection.org/image/b30414763_0001_0021.jp2/full/800%2C/0/default.jpg)