Volume 1
Dictionnaire royal, françois-anglois et anglois-françois / [Abel Boyer].
- Abel Boyer
- Date:
- 1752
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Credit: Dictionnaire royal, françois-anglois et anglois-françois / [Abel Boyer]. Source: Wellcome Collection.
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![D I S S E R T A T I O N fur la naïvement : c’eft qu’il y en a peu de ce caraétere. Gé¬ néralement parlant, nos Syllabes {impies ne font ni longues, ni fortes. Nos voyelles, lorfqu’elles forment une Syllabe par elles-mêmes,ont très peu de quantité, ayant, amant, amour, adroit, ami , amaranthe ; ou lorfqu’elles font précédées d’une confonne, comme badin, badault, bi¬ det , béant, dodu, divers, , Pradon, , Bdif.\ manant, talent, volant, véritable. Tout ce qu’on en peut dire, c’eft qu’elles ont quelque teneur, qu’elles ne font point» obfcures, de que par la variété de leurs «d- jointes elles font affez fufceptibles d’harmonie : Alidoiy Ali fée s, Aléandre, Alexis, Aloes, ÔCC. Cependant il y en a de longues : mais comment le font- elles devenues ? c’eft ce qu’il faut examiner. Premièrement par Etymologie. [L’âme,] par exem¬ ple, cette excellente partie de nous-même, eft long,ÔC cela eft dans l’ordre. Il vient d’anima, qui eft de trois Syllabes, qui par abbréviation fe font réduites à deux; mais comme nos Peres écrivoient afne, peu à peu on a encore fupprimé Ys, ôc on a écrit [âme,] fauf à la dédommager par l’appui qu’on a trouvé à propos d’y conferver, fans le marquer. En fécond lieu, par Diftinttion : comme ici, par e- xemple, fi on prononçoit Yame, anima, comme on pro¬ nonce une laine d’épée, qui vient de lamina, il n’y au¬ rait point de diftin&ion. Ainlï on eft convenu tacite¬ ment , mais raifonnablement, que le premier aurait Y ap¬ pui, ôc l’autrefimplement le coup. Le Matin encore, qui eft la premiere partie du jour, eft bref, parce qu’il n’y a rien dans le mot, qui exige appui ou effort ; mais le Mâtin, en parlant d’un Dogue, en doit être diftin- gué, ôc voilà pourquoi nous y mettons un circonflexe pour les Enfans ôc les Etrangers, qui autrement ne man¬ queraient pas de les confondre. En troifleme lieu , par Comparaifon avec la fyllabe voifine : Je m’explique. Si les deux ou les trois fyllabes qui commencent un mot font également {impies par leur conftrudion, il eft vifible que leur quantité doit ê- tre la même ; comme par exemple dans Cabaret, tabou¬ ret , bagnolet, Amaranthe, Am al a fonte, Amadouer, a- vitailler, adorer, il eft évident que les deux, ou les trois premieres Syllabes de ces mots n’ont aucun avantage intrinsèque les un*es fur les autres , ôc que par confé- quent la quantité en doit être à peu près égale : mais fi ces premieres fyllabes different ou par la conftrudion, ou par les diphtongues, ou par le nombre des lettres, en ce cas-là la différence de la conftrudion en met aufli dans la quantité. Ne ni appeliez plus Nahomi, difoit une illuftre Ifraëlite, mais appelez-moi Mara ; ces deux der¬ nières Syllabes n’ont rien que de fimple, ôc par confé- quent elles font égales; mais fi à l’une ou à l’autre vous ajoutez quelque lettre qui y mette de la différence, la quantité longue ou forte tombera néceffairement du cô¬ té de l’addition. Ainfi dans [Marâud,] par exemple, la diphtongue au jointe avec le d rendra longue la fé¬ condé Syllabe ôc la premiere courte: dans [marâis] de même, parce qu’il y a une s qui allonge toutes les fi¬ nales. Dans [Mârânâthâ] encore tout eft égal ; ainfi nulle difference pour la quantité ; mais dans [Minotau- re,] il y a une diphtongue qui s’y diftingue ôc qui par conféquent reçoit l’appui, d’autant plus qu’elle eft pé¬ nultième d’une fyllabe muette ôc obfcure. Un fît, un feau, ôc un fault font trois monofyllabes à peu près du même fon ; mais le premier eft court parce qu’il n’a rien dans fa conftrudion qui ait droit de l’allonger : mais feau eft un peu plus long parce qu’il a une diph¬ tongue ; Ôc le dernier encore plus long , parce qu’outre la diphtongue, il y a une / ôcunJ, qu’on n’y pronon¬ ce pas, il eft vrai, mais qu’on fait fentir en quelque for¬ te par un appui raifonnable. Heureux eft de deux fyl¬ labes à peu près égales, excepté 1’* qui termine la fécon¬ dé ; donc il emporte l’appui de fon côté. Dansperverfi- té, les deux premieres font égales; double confonne à la fin de chacune; mais dans diverfité^ fi la premiere eft fimple, la fécondé eft forte: dedans hiver, revers, di¬ vers , la derniere eft longue. Ainfi en comparant les fyl¬ labes , on rend à chacun le fien. En quatrième lieu, par droit de Pluralité. C’eft-à-di- reque tous les Pluriers font longs univerfellement, dans les noms, dans les verbes, dans les articles, en un mot dans toute expreflion qui en eft fufceptible. J’ai déjà in¬ diqué le Principe, mais il y faut revenir ôc en faveur des Etrangers ôc en faveur de nos Provinciaux, qui le plus fouventn’obfervent ni fyntaxe,ni profodie. Mais comme la chofe eft claire, je ne m’y arrêterai pas : vous favez aufli bien que moi, qu’il y a de la différence entre [le Roi, ôc lés Rois, le Duc Ôc lés Dücs, le roc ôc lés rocs ;] on ne prononce pas IV, il eft vrai, mais on la fait fentir par un petit allongement fans affectation. Dans les finguliers même, qui fe terminent par une f ou par un x, ce qui revient au même, il faut un appui. Un [poü] eft bref, mais le [poux] eft long: [douceur] eft bref dans la premiere, mais [doux] eft long ; le [foü J eft bref, mais du [foüx,] forte d’arbre, eft long; com¬ me aufli [faix, portefaix, heureux, fameux,joyeux.J Enfin dans les verbes, les pluriers font toujours longs, n’en déplaife aux Etrangers, qui nous reprochent tous les jours nos lettres prétendues inutiles. Ils ne font au fait, ni de notre fyntaxe, ni de notre profodie ; nos f font caraétériftiques & allongent ; & nos;/avec e t fi¬ nal marquent les pluriers & donnent l’appui; il [aime] eft bref, ils [aiment] eft long; je dis la même chofe par rapport à il [aimolt] ôc ils [aimoient,] ôc ainfi de tous leurs femblables. Intelligenti pauca. A. „ Ici permettez - moi de vous interrompre ; je „ comprend parfaitement bien qu’y ayant de la dijféren- ,, ce dans le fens entre le fingulier & le plurier des Ver- ,, bes, il faut aufli qu’il y en ait ôc dans h prononciation ,, ôc dans YOrtographe : mais il me vient un fcrupule „ au fujet de certains Verbes, dont le Prétérit eft tout ,, comme le Préfent. Car nous difonsau Préfent, je fi- „ ms, il finit, ôc au Prétérit, de même, comment ,, ferai-je pour les diftinguer ? B. Comme les Romains failbient pour diftinguer la 3e perfonne du Préfent de la 3e perlonne du Prétérit en un petit nombre de Verbes : comme dans venit ôc légit, c’eft-à-dire parla quantité, fi c’étoit envers;ÔC par le fens ôc la conftruétion de la phrafe entière, fi c’é¬ toit en profe. Qyand Penelope, dans Ovide, écrit à Ulyjfe : Nil mihi referibas ut t amen, ipfe Veni. Ce vers eft un Pentamètre : ainfi la penultieme doit ê- tre](https://iiif.wellcomecollection.org/image/b30414763_0001_0024.jp2/full/800%2C/0/default.jpg)