La prostitution contemporaine : étude d'une question sociale / Léo Taxil.
- Léo Taxil
- Date:
- [1884]
Licence: Public Domain Mark
Credit: La prostitution contemporaine : étude d'une question sociale / Léo Taxil. Source: Wellcome Collection.
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![Ici, nous nous refusons à prolonger la discussion : il est des théories qu'on ne réfute pas (1). 11 existe cependant une page de l'honorable Dupin, procureur général à la Cour de cassation en 1859, que les écrivains de police citent avec une véritable satisi'ac- tion. Nous ne nous priverons pas nous-mêmes du plaisir de la citer pour y souli- gner avec vous, Messieurs, les contre-sens et les pétitions de principes dont elle four- mille : « La prostitution, dit Dupin, est un état qui soumet les créatures qui « l'exercent au pouvoir discrétionnaire délégué par la loi à la police, état qui a ses « conditions et S3s règles comme tous les autres, comme l'état militaire, toutes « réserves faites sur la comparaison. Appliquer aux filles publiques des règlements « spéciaux ou des mesures de police auxquels les astreint leur genre de vie, ce « n'est pas plus commettre un attentat à la liberté individuelle qu'on ne le fait dans <t l'armée, lorsqu'on applique aux militaires les règles de discipline en vertu des- « quelles ils peuvent être privés, discrétionnairement et sans formalités, de leur « liberté. L'incarcération des filles est moins grave que la visite, et cependant au] « ne conteste la légalité de celte dernière mesure. Lorsque les employés des douanes « et ceux de l'octroi fouillent les voyageurs et mettent la main sur eux, ils portent, « en quelque manière, atteinte à leur liberté, à leur personne, et cependant de « telles mesures sont légales parce qu'elles sont les conséquences forcées des choses. « C'est exagérer le principe de la liberté individuelle que de le pousser jusqu'à en- « traver l'exercice légitime des autres garanties sociales.. « En d'autres termes, au-dessous des peines proprement dites appliquées par « les tribunaux de répression, il peut y avoir dans la matière dont il s'agit une « série de mesures, comme l'incarcération et la visite des filles publiques, qui ne « constituent, que des moyens de police, et qui peuvent résulter légalement de « l'exercice du pouvoir discrétionnaire abandonné à l'Administration, pouvoir que « la police exerce librement sous les garanties constitutionnelles. » M. Lecour, dont celte assertion met la conscience en repos (2), est vraiment satisfait à bon compte. N'est-il pas surprenant de voir un jurisconsulte, cité comme autorité, oublier que l'état militaire, comme les règlements douaniers, sont établis par des décrets rendus en conséquence de lois fondamentales qui leur attribuent un caractère exécutoire? Quel rapprochement peut-on faire à ce titre entre la visite imposée d'office — sous peine d'emprisonnement à Saint-Lazare — et la visite opérée par les agents de la douane? Les bonorables Dupin et Lecour auraient d'ailleurs vraiment dû citer une loi ou même un décret prévoyant une détention dont la durée est déterminée soit par l'autorité administrative, soit par les néces- sités d'un traitement médical. On le voit, en matière de jurisprudence et de droit, MM. du tribunal de la Police des mœurs sont faciles à persuader, quand leurs attributions sont respectées. (1) Il en est de même d'une prétendue thèse juridique que la Préfecture soutient à l'occasion en désespoir de cause, et qui a trouvé un défenseur inattendu dans la personne d'un membre de la Commission, notre collègue et ami le docteur Georges Martin (Procès- verbaux, séance du 25 janvier 1883. Bulletin municipal, 8 février 1883). C'est la thèse du contrat. La fille qui réclamerait volontairement son inscription s'imposerait à elle-même l'engagement de remplir des obligations à elle connues. Elle passerait, en signant sa, déclaration, un véritable contrat légal avec la Prélecture, et elle reconnaîtrait par là même la légalité des peines qui sonc tout à la fois une des clauses et la sanction du contrat. Nous ne croyons pas que cette subtilité ait jamais force de loi dans le pays où les vœux en religion, c'est-à-dire l'aliénation perpétuelle ou à temps de la personne humaine, n'ont pas de sanction juridique. D'ailleurs, le Code civil ne reconnaît pas le contrat « quand la cause est illicite, c'est-à-dire contraire aux bonnes moeurs » (Art. 1,133, sect. iv). (2) La Prostitution, p. 38. — M. Léon Renault s'est approprié, dans la séance du 28 mars 1872, l'argumentation de Dupin. (Procès-verbaux du Conseil, p. 10.)](https://iiif.wellcomecollection.org/image/b20442403_0417.jp2/full/800%2C/0/default.jpg)