La prostitution contemporaine : étude d'une question sociale / Léo Taxil.
- Léo Taxil
- Date:
- [1884]
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Credit: La prostitution contemporaine : étude d'une question sociale / Léo Taxil. Source: Wellcome Collection.
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![]e bien-être, le temps et les forces perdus dans des privations et des peines de tout genre, en tout cas trop déprimées moralement pour avoir la pensée qu'il est d'intérêt supérieur et social de se souvenir de leur mal, de se faire sans cesse examiner et de fuir tout rapprochement. Enfin le dernier grief, et non le moins grave, que votre Commission formule contre la réglementation tout entière, inscription, pénalités, dispensaire, c'est que son résultat immédiat est d'éloigner par la crainie, c'est-à-dire de priver de soins un nombre de femmes syphilitiques incontestablement plus considérable que celui des femmes qu'elle peut prendre et soigner. Un système de police qui permet, sur 3,500 femmes inscrites, à une moyenne de 600, et, dans ces dernières années, de 700 à 800 femmes de disparaître, ou mieux qui les force à disparaître en dépit de la menace des punitions les plus sévères, — alors que nombre d'entre elles sont certainement malades, — un tel système a para à votre Commission condamné définitivement par les faits. La réglementation a été instituée pour prévenir et guérir; or, elle va contre son but; elle méconnaît souvent la maladie et éloigne, par la crainte, la plus grande partie des malades. Encore une fois, est-ce là protéger la santé publique? § V. — De l'activité de la contagion syphilitique par les hommes. Mais ce n'est pas tout, Messieurs. Nous n'avons encore rien dit des hommes malades dont la liberté est et reste entière. Ne tombe-t-il donc pas sous le plus vul- gaire sens commun que la police, qui a la prétention de sauvegarder la santé publi- que en protégeant les hommes sains contre les femmes malades, devrait dans le même but protéger contre les hommes malades les femmes saines? Cette vérité banale que, si tout homme tient son mal d'une femme malade, toute femme, pour devenir malsaine, passe entre les bras d'un homme malsain, ne paraît jamais avoir sollicité l'attention des législateurs de police. A part le préfet Anglès, qui, lui du moins, en 1816, eut le mérite de faire une proposition relative aux hommes syphilitiques et vénériens, nul n'y a pris garde. Faisons pourtant cette hypothèse : Supposons que la police enferme aujour- d'hui même, après examen, toutes les filles publiques inscrites, isolées, en maison et insoumises atteintes de syphilis, et dites si, dans trois mois, vous ne retrouverez pas contaminées quelques centaines de femmes saines à l'heure présente, les- quelles contamineront à leur tour des hommes sains, qui eux-mêmes..., etc. La démonslration nous semble convaincante : dès que la police laisse libres les hommes atteints de syphilis, il est patent que tout son système s'écroule aussi an point de vue de l'hygiène, puisqu'elle ne peut pas faire abstraction des rapports sexuels que les hommes syphilitiques recherchent avec autant de sans-gêne qu'en bonne santé, quand une propreté apparente et surtout l'absence de douleur les ren- dent possibles. En vain l'on dira qu'il n'y a pas lieu de soumettre les hommes aux mêmes obli- gations que les femmes, parce que les hommes ne font pas métier de la prostitu- tion et que la maladie est chez eux une exception. Ce raisonnement, au point de vue sanitaire, n'a aucune valeur : l'homme qui contagionne une fille publique est le véritable auteur de la syphilis qui atteindra ultérieurement tous les hommes reçus par cette femme. 11 n'y a pas de théorie qui tienne contre ce fait brutal. Le piquant, c'est que ceux-là mêmes qui ne veulent à aucun prix assimiler l'homme syphilitique à la femme syphilitique, ne font aucune difficulté d'imposer aux hommes malades, quand ils sont astreints à la vie en commun comme les soldats, un traitement obli-](https://iiif.wellcomecollection.org/image/b20442403_0441.jp2/full/800%2C/0/default.jpg)